dimanche 23 octobre 2011

Composition de segments

Pour l'instant je n'ai parlé que de prix pour des voyages sans correspondance. Quand un trajet comporte une ou plusieurs correspondances, le voyage est dit être composé de plusieurs segments.

Pour faire court, pour un voyage donné il est intéressant de mettre le plus de trajets simples sur un même billet afin de bénéficier de la dégréssivité de bout en bout[0]. Ce qui suit concerne donc la tarification des voyages à plusieurs segments. Elle est assez compliquée, je vais essayer d'être exhaustif.

Comme toujours il s'agit de l'état actuel de la tarification. Je ne sais pas combien de temps les choses resteront en l'état. En fait je ne garantis même pas que ce que je raconte corresponde à la réalité.

Tarifs différents

Quand le code tarif n'est pas le même entre les différents segments, en général il n'est pas possible d'émettre un seul billet (ne pas oublier qu'un billet peut nécéssiter plusieurs pages). Ce cas se produit généralement quand on veut effectuer un voyage et qu'on dispose d'un abonnement valable uniquement sur une partie du trajet.

Lorsqu'on fait apparaître une fausse correspondance, c'est à dire qu'un trajet sur le même train se trouve séparé en deux billets distincts, on dit qu'une soudure a été effectuée. (Par exemple, je souhaite prendre un TGV entre Bordeaux et Paris alors que je dispose d'un abonnement demi-tarif pour la section Poitiers-Paris : je vais avoir envie de faire une soudure à Poitiers.) En fonction des cas, elle est autorisée ou non. Si la soudure se situe à un arrêt effectif du train, il suffit juste de sortir pour composter le second billet. Sinon elle n'est en général pas autorisée. En théorie une soudure n'est pas intéressante si les deux trajets sont au plein tarif à cause de la dégressivité, mais ça n'est pas toujours vrai pour les trajets internationaux, où une soudure au niveau du dernier arrêt en France est souvent intéressante.

Segments compatibles

Un autre cas simple est le cas où les segments sont compatibles, c'est-à-dire que les classes de service et la période correspondent (je crois que c'est le seul cas possible). Dans ce cas la tarification est faite de bout en bout (i.e on fait comme si l'arrêt intermédiaire n'existait pas), ce qui compte tenu de la dégressivité importante sur TGV est favorable à l'usager.

Sur les trains à gestion fine, il faut aussi que l'arrêt soit un arrêt raisonnable au regard du trajet. Par exemple, si vous voulez combiner Paris → Nice et Nice → Lyon, le tarif appliqué ne sera pas le tarif Paris → Lyon de bout en bout. La condition technique doit certainement être que la somme des kilomètres doit être inférieure ou égale au kilométrage de référence du prix de bout en bout. En réalité ces cas sont rares, la SNCF privilégiant les relations sans correspondances.

Deux remarques intéressantes :

  • Je ne crois pas que la SNCF applique ce qui s'appelle dans le monde aérien la tarification par « classes virtuelles » ou par « bid price ». On pourrait imaginer pouvoir combiner deux trajets même si les classes de service ne sont pas égales, en considérant la classe de service du segment assurant le maximum de revenu (dans une classe de confort donnée). Du coup, comme la dégressivité sur TGV est nettement supérieure à la dégressivité générale, on peut avoir intérêt à effectuer une réservation dans une classe de service moins restreinte (comprendre : plus chère) que celle qui est disponible au moment de l'achat de façon à avoir un tarif de bout en bout. Je ne pense pas que voyages-sncf.com le fasse, ou que beaucoup de guichetiers soient au courant de cette subtilité.
  • Sur les trains sans gestion fine, le tarif de bout en bout est évidemment le tarif général, mais en fonction des détails du billet, le prix peut être légèrement différent. Sur les billets ouverts (type DT)[1] sans mention d'horaire le prix est réellement le prix au kilomètre sur la somme des kilomètres. Sur les billets à train désigné (type DV notamment), une correspondance a tendance à faire un billet moins cher de 10 centimes d'euros, certainement sous l'effet d'arrondis.

Segments incompatibles (ou hétérogènes)

Les segments compatibles sont d'abord regroupés entre eux et traités comme un seul segment par la suite.

Ce qui suit correspond au cas général, qui est le plus fréquent.

Il est indiqué dans les tarifs voyageurs (point 1.7 de la gamme tarifaire) que « le prix de chaque segment ou chaque ensemble homogène de segments est affecté d'un coefficient intégrant, sur l'ensemble du trajet (…), la dégressivité de prix contenue dans la formule de calcul du tarif de base général. ». Au pire, donc, on profite d'une dégressivité semblable au tarif normal.

On pouvait imaginer plusieurs possibilités pour coller à cette formulation. Manifestement il faut faire appel à la formule du tarif normal :

  1. Pour chaque segment, prendre son kilométrage et faire le rapport entre le prix au kilomètre du tarif normal pour ce kilométrage et le prix au kilomètre du tarif normal pour la somme des kilomètres. Appliquer ce coefficient au prix initial du segment. Cette formule a l'avantage que si tous les segments sont effectivement au tarif normal, alors le prix total est effectivement le tarif normal.
  2. Pour chaque segment, prendre son kilométrage et faire le rapport entre le tarif normal pour ce kilométrage et le tarif normal pour la somme des kilométres. Appliquer ce coefficient au prix initial du segment. Cette configuration serait gênante pour le cas de segments de petit kilométrage mais très chers. Leur prix se ferait diluer par des segments longs et peu chers.
  3. Multiplier le prix de chaque segment par le rapport entre le prix du tarif normal pour la somme des kilomètres et la somme des prix du tarif normal pour les kilométrages de chaque segment. De même que pour la première formule, on a la propriété que si tous les segments sont effectivement au tarif normal, alors le prix total est effectivement le tarif normal.
En prenant l'exemple de deux segments de prix P1 et P2, de kilométrage 1 et 2, et P() la fonction du tarif normal en fonction du kilométrage, les trois possibilités donneraient (navigateur supportant MathML nécéssaire) :
  1. P 1 ( P ( 1 + 2 ) ( 1 + 2 ) 1 P ( 1 ) ) + P 2 ( P ( 1 + 2 ) ( 1 + 2 ) 2 P ( 2 ) )
  2. P 1 P ( 1 ) P ( 1 + 2 ) + P 2 P ( 2 ) P ( 1 + 2 )
  3. P 1 P ( 1 + 2 ) P ( 1 ) + P ( 2 ) + P 2 P ( 1 + 2 ) P ( 1 ) + P ( 2 )

Sauf qu'en fait ce n'est pas ce qui est fait. Après plusieurs essais, je pense que l'idée est de calculer les kilométrages fictifs correspondant au prix de chaque segment comme s'ils étaient au tarif normal, de sommer les kilométrages fictifs et de calculer le prix correspondant avec le tarif normal. Ce qui donnerait, P-1() représentant la fonction inverse du tarif normal (toujours avec MathML) : P ( P - 1 ( P 1 ) + P - 1 ( P 2 ) )

Plus en détails, si l'on veut que ça marche en vrai, il faut changer un peu P() et P-1(). Je pense qu'il s'agit bien d'un tarif normal, mais qu'il s'agit du tarif normal datant de l'introduction des tarifs de marchés et qu'elle n'a pas été changée depuis. Pour la simuler, j'ai cherché un facteur γ[2] qui pourrait correspondre. Après divers essais je pense qu'il vaut γ=0,795. On remarquera que c'est légèrement moins dégressif que le tarif normal (pour lequel γ=0,78). Sauf que ce n'est pas encore exactement ça. Même si ça marche relativement bien pour les trajets au plein tarif, ça ne marche pas pour les tarifs réduits, notamment pour les trajets incluant des réductions en pourcentage sur des trains à réservation facultative. J'exposerai une autre fois mes théories sur comment améliorer la formule.

[0] Au maximum 8 par billet, et souvent cela nécéssite de passer par un humain, voyages-sncf.com étant actuellement incapable de proposer des trajets avec plus que trois segments.

[1] Je parlerai une (en fait probablement plusieurs tant le sujet est vaste) autre(s) fois des détails de billetterie.

[2] Comme expliqué dans la première entrée, le tarif normal est très proche d'une loi de puissance paramétrée par un facteur γ.

3 commentaires:

  1. J'oubliais : la composition ne s'applique que pour la partie "transport" des segments, pas les parties "réservation" qui sont en sus et ne subissent pas de dégressivité.

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  2. Bonjour,

    Bravo pour vos articles très intéressants sur les tarifs, que je découvre à l'instant.

    Sur Paris Genève TGV Lyria, la soudure à Bellegarde est très très tentante, notamment quand on a des cartes de réduction francaises qui ne sont pas valables sur l'international... Mais je me suis déjà fait verbalisé pour "Soudure interdite", même si l'arrêt est effectif.
    Avez vous des idées pour contourner légalement cette interdiction ?
    Merci

    Jerome

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    1. Il n'y a soudure que si vous n'avez pas respecté le contrat de transport.

      Notamment je conseille de ne présenter que le premier billet sur la première
      partie, puis le second billet composté à la gare intermédiaire (important)
      sur la seconde partie, le tout en ayant changé de place pour occuper la
      place attribuée pour le deuxième voyage.

      Ceci dit, récemment l'arrêt à Bellegarde est devenu "non commercial à la
      montée", c'est à dire qu'il n'est pas possible de vendre des billets à la
      montée, donc l'astuce n'est plus valable.

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