mardi 13 septembre 2011

Tarification en Île de France

Avant que le projet du Grand Paris ne change tout, j'aimerais parler un peu (?) de la tarification actuelle de l'offre de transports en Île-de-France.

Actuellement, cette région bénéficie de l'unification tarifaire, qui fait que quasiment tous les transports en commun de la région sont gérés par le STIF (Syndicat des Transports d'Île-de-France). C'est à dire que le STIF décide des dessertes, plans de transports, tarification etc..[1]

La tarification en Île de France fonctionne en gros de la manière suivante :

  • Des abonnements ciblés selon le public, les subventions, la durée[2].
  • Le ticket de métro sert d'unité tarifaire.
  • Des billets Origine - Destination pour le train en dehors de Paris.
  • Quelques billets spéciaux, comme par exemple les billets aéroport par bus.

Les billets sont disponibles en carnet, ce qui donne une réduction de généralement 20% pour les billets origine-destination et plus encore pour les tickets de métro.

Les abonnements sont assez simples, l'Île de France est divisée en plusieurs zones (au nombre de 5 depuis la fusion des zones 5/6 de juillet 2011), et les prix varient en croissant en fonction du nombre de zones concernées et de la durée.

À Paris et dans les bus de banlieue il est fait usage du ticket de métro. Dans Paris un seul ticket suffit, et dans les bus de banlieue on doit composter un ou plusieurs tickets de métro en fonction du nombre de sections tarifaires traversées (on trouve sur le site du stif un manuel destiné aux entreprises de bus donnant les règles pour sectionner une ligne). Je crois qu'il ne reste plus beaucoup de lignes où il reste plusieurs sections.

Là où ça devient nettement plus compliqué c'est pour les billets origine-destination (historiquement il fallait aussi composter plusieurs tickets de métro dans les trains). La seule indication du fonctionnement dans la documentation grand public est "Le prix varie selon la distance", ce qui est à peu près le premier niveau au dessus du contenu vide.

Si on fouille un peu, on trouve dans le recueil des actes administatifs du STIF (là j'ai pris celui juste avant juillet 2011, donc celui qui a le plus de chances de parler des augmentations tarifaires) un tableau de tarifs un peu plus précis.

Si on continue de fouiller, on voit que les prix des aéroports est fixé en supplément du prix géographique, selon différentes règles.

Malheureusement, peu de notices. Voici donc ce que j'ai réussi à compiler en faisant des essais de prix grâce à cet outil.

La tarification se fait donc de section à section tarifaire (qui n'ont rien à voir avec les zones des abonnements), et plus on traverse de sections plus c'est cher. Même sans rajouter les fourches et les triangles c'est plus compliqué que juste le nombre de sections traversées.

Par exemple sur le RER B les prix semblent être dans l'ordre (110, 120, 130, 140, 141), et depuis 2011 (ça ne se voit pas dans mon fichier openoffice, mais je le sais parce que j'observe les prix depuis un moment) les prix spéciaux 730, 740, 750, 760. De banlieue à banlieue 10,20,30,40 en fonction du nombre de sections traversées[3]. Remarquez comme la station Lozère est toute seule dans sa section (pourquoi?) et que le prix n'est pas juste fonction du nombre de sections traversées.

Autre règle que j'ai fini par deviner concerne les prix d'une gare à une autre en passant par Paris : additionner le prix des codes tarifs auxquels on a retiré 100, plus celui du module U (comme "section Urbaine") :

  • Par exemple je veux faire le trajet Bougival -> Orsay-ville via la section Urbaine. Orsay -> Paris est en 750 (anciennement 140) et Bougival->Paris en 140. Je fais donc 40+40+module U, soit 3,05+3,05+1,20 = 7,30 EUR. Coup de pot, l'outil me donne bien 7,30 EUR. L'affichage du prix permet d'ailleurs de confirmer que Paris->Bougival est bien en 140 et non pas en 150 (tous les deux à 3,95) parce que le prix 50 est plus élevé (3,20) que le prix 40 (3,05).
  • Autre exemple, je veux aller de Orsay-Ville à Etampes, toujours via la section urbaine. Le prix pour aller de Paris à Étampes est de 8 EUR, ce qui correspond au codes tarifs 147,167 ou 168. Comme le prix total est de 11,45 EUR, j'en déduis que le code tarif Paris -> Étampes est en fait 147, parce que 11,45-3,05-1,20=7,20 et que le seul code tarif à 7,20 EUR est le 47.

Pour les autres correspondances, j'imagine que les tarifs sont additionnés quand on change de réseau, par exemple lorsqu'on passe du RER C au RER B, dans des trajets comme Étampes à Orsay via Massy, où le prix (8,60) est clairement l'addition de Massy - Orsay (1,70) et de Massy - Étampes (6,90). Ça n'est évidemment pas terrible pour la dégressivité.

Si on cherche des indications de section tarifaires, le mieux qu'on trouve sont les décisions du STIF qui concernent l'ajout d'une nouvelle gare. Comme le recueil des actes sur internet ne remonte pas très loin, je n'ai trouvé que deux gares qui sont "Val d'Europe" (section T 11) et "St Ouen l'Aumône - Liesse" (section T 10), et évidemment sans indication de ce qu'il faut faire des noms. Je présume que toutes les règles ont été ajoutées les unes après les autres avec l'agrandissement de la périphérie des transports parisiens. Il est évident qu'il existe un document interne consolidant les règles, mais je ne sais pas comment il faudrait faire pour l'obtenir. Si je voulais le reconstituer, il faudrait que je me farcisse l'ensemble des décisions du Sydicat des transports Parisiens (l'ancien nom du STIF) depuis les années 50, en faisant une demande d'accès aux archives.

N'ayant pas tant de temps que ça je n'ai pas insisté et j'attends la réforme des tarifs[4] !

[1] Dans les autres régions, généralement l'offre de transports est gérée de manière différente : l'offre de train (et de façon très encadrée la tarification) est décidée par la région, tandis que l'offre de bus est souvent décidée au niveau du département. La SNCF est généralement chargée des aspects techniques de l'offre train (billetterie, circulations), et les lignes de car sont attribuées par appels d'offre.

[2] Notez que l'abonnement Carte Orange zones 1-2 mensuel est peu rentable. Si l'on suppose que l'usager prend le métro matins et soirs de semaine pour aller au bureau, le coût total par mois est d'environ 55 EUR en prenant des carnets de tickets à 12.5 EUR, et de 62 EUR en prenant l'abonnement mensuel. À l'année (11 mois), ça fait 605 EUR avec des carnets, 682 EUR avec des navigos mois, 633,60 EUR avec un navigo à l'année. En plus l'abonnement mensuel commence forcément le 1er du mois, ce qui est nul, parce que cela crée une injustice pour les gens ayant besoin de se déplacer du 15 au 15, ainsi que des files d'attente monstres le premier du mois. Ma théorie est que l'abonnement est en fait une subvention déguisée par l'employeur qui est censé en rembourser la moitié, ce qui fait que le prix final payé par l'abonné est moindre. Mais rien n'empêche l'employeur de rembourser aussi les tickets !

[3] Une anecdote rigolote qui ne m'a pas fait rire quand ça m'est arrivé : La gare de Massy Palaiseau est en fait deux gares pour le système de tarification. En effet, la distance pour y arriver depuis Paris par le RER C est nettement plus grande que par le RER B. Si vous prenez vos billets pour Paris dans un distributeur SNCF, on vous fera payer le prix 141 au lieu du prix 130, quand bien même vous pensez prendre le RER B.

[4] En attendant vous pouvez quand même essayer d'inonder le STIF de demandes de manuel !

jeudi 8 septembre 2011

Ensuite vinrent les tarifs de marché

Comme je le disais la dernière fois, le tarif normal souffre de limitations quand il s'agit de gérer les flux de voyageurs. Notamment il n'y a quasiment aucune modulation pour les voyageurs sans carte et pour les porteurs de carte la modulation est décidée un an à l'avance par la mise en place de périodes bleues et blanches.

Il a donc été créé des trains à gestion fine, c'est à dire où le prix est modulé en fonction de la demande et du remplissage (dudit train ou des autres trains). Par ailleurs ces trains étant généralement rapides, avec peu d'arrêts ou plus confortables, la SNCF a l'autorisation de faire payer plus cher, y compris pour le plein tarif. Jusqu'à la refonte des tarifs de la fin 2007 ce tarif s'appellait encore « Tarif Normal », et était modulé par la « période » qui pouvait être « de pointe » ou « normale » (mais uniquement en seconde, le plein tarif de la première classe n'est pas modulé en fonction de la période.). Depuis la refonte des tarifs de 2007, ce plein tarif est devenu « Tarif Loisir » et s'est retrouvé accompagné d'une floppée de paliers réduits appellés aussi jusqu'à récemment par le même nom[0]. La confusion règnant, les tarifs ont été renommés en « Plein Tarif Loisir » et « Loisir Réduit » pour indiquer aux gens quand il bénéficiaient de réductions. La refonte a aussi amené des tarifs plus cher, nommés « Pro », destinés à la clientèle ayant besoin de flexibilité, mais il n'en sera pas vraiment question ici. Les trains sur lesquels on trouve ces tarifs sont principalement les TGV, les Téoz et les Lunéa (l'essentiel des trains de nuits), trains sur lesquels la réservation est obligatoire et pour lesquels il faut avoir une réservation pour le train dans lequel on monte, sauf exceptions.

Pour récapituler, si vous voyagez en TGV, que vous vous y prenez mal (au dernier moment, ou lors des grosses pointes), le tarif le plus faible proposé sera le Plein Tarif Loisir. Il n'est pas contingenté.

À priori, le « Plein Tarif Loisir » est donc un tarif de marché, il n'y a donc pas de relation aussi simple entre le kilométrage et le prix payé que pour le Tarif Normal. Et en effet, pour les TGV circulant sur ligne à grande vitesse (LGV) c'est le cas. On trouve dans le volume 6 des tarifs voyageurs[1], section 1.2.3 probablement l'ensemble des prix pratiqués pour les relations directes desservies par TGV et avec emprunt de ligne à grande vitesse. À titre d'exemple, on y lit que le plein tarif 2011 en 1ère pour Paris - Nantes vaut 109,70 EUR, et que pour Paris - Bordeaux il vaut 113,80 EUR, pour des kilométrages reportés[2] de 396 km et 581 km. En considérant qu'il existe un facteur γ entre les kilomètres et le prix, on obtient γ = (Log(113,80)-Log(109,70))/(Log(581)-Log(396)) = 0,096. Peu probable. Ceci indique quand même que la dégressivité est très importante sur TGV.

Mais qu'en est-il des relations sans parcours à grande vitesse ? Prenons le cas de la ligne entre Nîmes et Bordeaux, qui a l'avantage de posséder beaucoup d'arrêts, d'être longue et de voir du traffic TGV et Téoz[3]. Pour avoir les distances j'ai cherché les TER parcourant cette ligne et inversé la fonction de prix (j'aurais pu aussi consulter un vieux manuel Chaix ou encore l'article Wikipédia : Ligne_Bordeaux - Sète).

Et voici donc le plein tarif loisir 2nde en fonction de la distance pour les TGV[4] :

Pour les Téoz :

Il s'agit donc bien d'une fonction du même type que le tarif normal, le TGV étant légèrement plus cher (mais avec probablement la même dégressivité) que les Téoz. Pas de tarifs de marché[5]. On ne le voit pas sur le graphique, mais on peut aussi remarquer que le plein tarif sur TGV ne dépend pas de la période du train. La période ne sert donc que pour des parcours avec utilisation de ligne à grande vitesse (en tout cas pour le plein tarif, je ne me prononce pas pour les tarifs réduits).

On peut même s'amuser à retrouver les paliers pour prédire le prix au centime près, mais je ne vais pas vous l'imposer.

On peut dire le même genre de choses sur le tarif PRO : sur Téoz il s'agit d'une somme fixe ajoutée au tarif loisir. En revanche sur TGV le montant n'est pas fixe (dépend de la distance j'imagine), il y a en plus un arrondi au ½ centime près ce qui complique un peu l'analyse, mais ça reste très simple, et ça tend vers 5% en plus pour les longs trajets.

Pour ceux que ça intéresse, le fichier openoffice est disponible ici : teoz_tgv_non_lgv.ods. Remarquez notamment comme les prix des relations Montauban - Agen et Sète - Narbonne sont identiques, pour un kilométrage identique. Si les graphiques ne suffisaient pas, ceci achève de convaincre.

[0] Mais pas forcément le même code tarif. J'en parlerai plus tard.

[1] C'est loin d'être la dernière fois que je ferai référence aux "Tarifs Voyageurs" ! On peut les trouver sur la page du guide du voyageur SNCF.

[2] Généralement le kilométrage reporté est celui que ferait un train classique faisant le trajet le plus court entre les deux gares. Ainsi, sur un TGV Paris - Marseille le nombre de kilomètres annoncés est de 863km, ce qui correspond exactement à la longueur de la ligne classique Paris - Marseille via Lyon.

[3] L'année dernière il n'y avait pas de différence entre TGV et Téoz, le prix dépendait uniquement de la paire (non ordonnée) de gares. Maintenant les prix sont différents et j'ai donc du refaire une étude. C'est la dernière fois que je la fais à la main !

[4] Notez l'aberration, qui concerne la liaison Nîmes - Agen. Ne voyant pas pourquoi cette relation particulière devrait être plus chère que les autres, je penche pour l'erreur de report (il y aurait une entrée manuelle de tous les tarifs dans la base de données ???). Et comme elle impacte aussi le tarif PRO, je pense que le plein tarif PRO est calculé à partir du tarif Loisir, et non pas du kilométrage.

[5] On peut quand même imaginer que la constante ou le facteur de puissance varie avec les régions, mais il ne faut pas oublier que dans cette étude sont mis dans le même panier des trajets comme Montpellier - Nîmes avec des Bordeaux - Agen qui à priori n'ont pas le même marché.