On entend généralement par billet un « titre de transport », c'est
à dire un document qui atteste l'existance d'un contrat de transport entre
le transporteur et l'usager.
Le cas le plus simple de billet est celui acheté en gare (ou en agence de
voyage). Suite à la conclusion du contrat de transport (la condition
préalable étant généralement le paiement de la prestation) le guichetier (ou
la borne libre service) remet un exemplaire authentique du contrat. Cet
exemplaire est ensuite utilisé pour justifier de l'existance du contrat (et
qu'on en est le destinataire légitime), par exemple dans le train ou lors
d'un échange. Souvent la SNCF garde une trace informatique des contrats
conclus pendant la durée de leur période de validité (notamment parce qu'il
faut faire l'inventaire des places occupées comme par exemple sur TGV), mais
pas toujours (par exemple les billets au format carte bancaire valables sur
les trains régionaux).
Billets télépayés
Le problème avec cette approche est que tout le monde ne va pas acheter ses
billets en gare. Pour pallier à ce problème, la SNCF a créé les billets
télépayés, dont la materialisation (ticketing dans le jargon) est différée
(mais toujours unique). Cette fois-ci le client conclue à distance (par
exemple par téléphone) un contrat de transport (et paye en donnant son
numéro de carte bancaire), mais on ne lui remet pas tout de suite le billet
(parce qu'on ne peut pas le faire passer par le téléphone). Au moment de la
création du contrat, le client choisit le mode par lequel il récupèrera le
billet :
- Impression par la SNCF et envoi par courrier
- Impression en borne libre service
- Impression au guichet
- Impression à domicile (le Billet Imprimé®)
Chaque mode de retrait est accompagné de certaines obligations, par exemple
dans le cas des billets retirés en borne il est nécéssaire de présenter la
carte bancaire ayant servi au paiement. De ce fait la SNCF s'assure que la
carte ayant servi au paiement a bien été utilisée de manière légitime.
Comme le système de réservation ne fait pas vraiment la différence entre ces
détails de ticketing, la frontière est assez perméable : si il est
notoire que l'impression au guichet et l'impression en borne libre-service
sont interchangeables, il est plus amusant de remarquer qu'il est possible
de retirer en borne un billet destiné à être envoyé à domicile (si on le
fait avant que la SNCF l'ait envoyé, par exemple dans le cas d'une commande
faite sur internet pendant la nuit et retirée aussitôt en gare). Dans le
même goût, il est possible de retirer en borne un Billet Imprimé, pourvu
qu'on en ait pas encore demandé l'émission.
Le Billet Imprimé revêt un caractère particulier puisqu'avec lui l'usager
est dispensé de passer par la case retrait d'un carton à piste magnétique.
Dans les faits il y a bien ticketing du billet, mais de manière virtuelle,
et le contrat est ensuite matérialisé par l'envoi d'un PDF contenant des
mesures de sécurité afin que le contrôleur puisse s'assurer que le billet a
bien été produit par les serveurs de la SNCF et non pas par les talents en
Photoshop du fraudeur. À ce titre il est accompagné de restrictions pour
éviter le double usage, comme la nécéssité de présenter une carte
d'identité. Et comme la pièce matérialisant le contrat n'est plus unique il
est impossible de se faire rembourser un billet ayant été ticketé par ce
moyen (avant le ticketing il s'agit d'un billet télépayé non retiré sur
lequel l'après-vente n'est pas spécialement restreinte). Notons que le
Billet Imprimé est en train de mourir, et n'est plus proposé que sur les
tarifs Prem's pour lesquels la paire origine-destination n'est pas ouverte
au e-billet (jusqu'à récemment il était aussi ouvert aux porteurs
d'abonnement fréquence et d'une carte Grand Voyageur)[1]. De plus il n'est pas compatible avec les
trajets comprenant plus d'un segment.
Billets électroniques
Un des défauts du billet télépayé est qu'il n'est pas disponible pour les
agences de voyage[2]. Jusqu'à récemment une
agence de voyage voulant servir des clients à distance (rappellons qu'une
bonne partie de la clientèle des agences est composée d'entreprises payant
les déplacements d'affaires de leurs employés) n'avait d'autre choix que
de faire un billet papier standard et de l'expédier (éventuellement par
porteur spécial en cas de commande urgente) par courrier. Pas très pratique.
Pour pallier à ce problème et surtout pour éviter une distorsion de
concurrence sur la vente des billets a été créé le billet
électronique (que la SNCF ne distribue pas elle-même directement). Il
ressemble très fort au billet télépayé, mais il y a quelques différences qui
le font se rapprocher plus de billets dématerialisés que le billet télépayé.
Par exemple, tandis qu'on ne peut pas retirer seulement une partie d'un
aller/retour télépayé, c'est possible pour des billets électroniques, ce qui
incite à ne retirer un trajet qu'au dernier moment. Un billet non retiré
peut faire l'objet d'un échange par téléphone auprès de l'agence de voyage
tandis que s'il a été retiré c'est plus compliqué. Ce type de billet est à
rapprocher du billet électronique du monde aérien, où la carte
d'embarquement reste la plupart du temps imprimée sur papier.
e-billets
En créant le e-billet, la SNCF a voulu combiner l'avantage du Billet Imprimé
(impression à domicile) avec la souplesse du billet électronique. On veut
donc un billet échangeable facilement et qui peut être imprimé autant de
fois qu'on veut.
Afin de garantir l'authenticité du billet (puisqu'il n'y a plus de pièce
unique), il a été décidé que ce ne serait plus le client qui porterait le
billet. Tout est donc déplacé dans le système de réservation. Les clients
sont identifiés par un numéro de client, qui est généré au vol si le client
n'en possède pas un par ailleurs (comme c'est le cas pour les clients
possédant une carte grand voyageur). En fonction du client le système génère
une confirmation e-billet ou bien un mémo e-billet (c'est ce qui apparaît
dans la zone billetterie des dossiers du système de réservation)
Avant le contrôle le contrôleur met à jour par réseau cellulaire la liste
des réservations effectuées sur son train. Ensuite, au moment du contrôle,
il récupère le numéro de client en scannant un code à lecture optique et
consulte sa liste. Si le numéro est inconnu le terminal contacte le serveur
en ligne. En théorie le contrôleur est censé vérifier l'identité du client
pour éviter le double usage (même si le terminal le prévient en cas de
double usage, il peut y avoir plusieurs contrôleurs) ou la fraude au
remboursement (un passager voyage tandis que le titulaire se fait rembourser
le billet en gare : après le départ du train, une pièce d'identité est
exigible pour les opérations d'après-vente. Je ne sais pas si c'est appliqué
avec rigueur). Dans les faits ce n'est pas toujours le cas. Ceci dit pour les
porteurs de carte grand-voyageur comme il n'y a pas d'autre support que la
carte la fraude au double usage ou au remboursement est légèrement plus
délicate à mettre en oeuvre.
La difficulté de mise en place du billet totalement dématérialisé n'a pas
été dans la modification (légère) du système de réservation, mais dans la
nécéssité d'équiper tous les contrôleurs en terminaux fonctionnels, d'avoir
un réseau cellulaire suffisament évolué pour transmettre des données de
manière pratique, et de former les vendeurs et les contrôleurs aux nouvelles
procédures.
[1] Ces restrictions étaient probablement en place pour éviter au maximum
les fraudes à la carte bancaire. Les Prem's se prenant uniquement à l'avance
cela donne le temps aux gens dont le numéro de carte bancaire a été piraté
de se réveiller, tandis que les clients porteurs de carte grand voyageur
sont clairement identifiés et ne peuvent donc pas frauder de cette manière.
[2] Je vois deux raisons : la première est que le retrait d'un billet
électronique ne peut pas exiger la carte bancaire ayant servi au paiement.
La seconde tient à des subtilités techniques et comptables liées à
l'après-vente, et notamment les paiements/remboursements lors des échanges.